Immortel
est une adaptation cinématographique de la trilogie Nikopol
réalisée par près de 400 personnes sous la direction d'Enki Bilal et jouée par
trois acteurs principaux : Linda Hardy (Jill),
Thomas Kretschmann (Alcide Nikopol) et
Charlotte Rampling (personnage nouveau). Les
autres personnages étant réalisés en image de synthèse, on obtient une
coexistence des personnages humains et virtuels, tout comme la coexistence
des décors réels et virtuels. Quand on regarde une planche de Bilal, on
comprend d'ailleurs que l'intervention du numérique est indispensable pour
recréer son univers. C'est ici que les connaisseurs diront : Bilal sur un
écran de cinéma, avec le graphisme si particulier qu'il a, ça va être
chaud... Ca a dû l'être, mais après 4 années de travail, le résultat est
loin d'être décevant. Grâce a de très nombreux effets graphiques que
personnellement je n'avais jamais vu sur un écran de cinéma (des textures
lisses, comme peintes, des effets de flou décalé sur plusieurs plans, des
couleurs aussi vives que celle de l'acrylique), on s'immerge très vite dans
cet univers, envoûtés par son ambiance, le regard des acteurs "humains",
aussi beau que celui des personnages de la bande dessinée (Jill est aussi
émouvante dans la BD que dans le film), on n'est plus devant une planche de
BD mais à l'intérieur, elle nous enveloppe, belle, émouvante, effrayante,
avant de fondre au noir sur le générique de fin comme on referme le livre.
Pour les lecteurs de Bilal, c'est ainsi, je crois, qu'on le ressent, mais
pour les autres, attention. A l'avant-première du film qui se déroulait à
Boulogne Billancourt (ville où se trouve la production) en présence d'Enki
Bilal, une
remarque stupide de certaines personnes du public est revenue plusieurs fois
: "Votre film, avec les immeubles géants, les voitures volantes, c'est pompé
sur le 5ème élément". Enki Bilal, qui je ne sais pas comment a su
rester calme, a dû expliquer que les voitures volantes existaient depuis les
années 50 avec Ray Bradbury, que Luc Besson n'avait rien inventé et lui
avait même demandé de participer à son film, ce qu'il avait refusé car il
travaillait sur autre chose. "J'avoue que cela m'excède d'entendre dire que
j'ai copié des films futuristes récents, alors que ce sont mes albums qui
ont été pillés par de nombreux cinéastes", ajoutera Bilal dans un article du
quotidien 20 min. Enki Bilal a su
créer un univers gigantesque et un film monumental dont le seul défaut est
d'être trop court. On ne pense pas un instant au 5ème élément et aux
déguisements de Bruce Willis habillé par un Gautier pas inspiré, mais plutôt
à Blade Runner avec Jill qui comme Rachel ne sait pas d'où elle vient et ne
trouve comme refuge que l'amour, à Brazil avec d'ailleurs un (plusieurs ?)
beau clin d'oeil, à Buster Keaton avec ce vertige dans les rues bleutées de
New-York, bref à des gigantesques références, qui, avec l'immense
imagination de Bilal, font de ce film un "grand" de la Science-Fiction. A
noter que le film est financé à 80% par des maisons japonaises et
sud-coréennes (le reste étant français), et que l'extrait diffusé à Cannes
pour trouver le financement a été magistralement boudé par les maisons
américaines, avec comme seule représentante New Line Cinema. Pourtant,
graphiquement (et aussi pour le reste d'ailleurs), les réalisateurs américains face à Immortel n'ont qu'à bien
se tenir... Espérons donc que ce film remportera le succès que lui et son
courageux (mine de rien) réalisateur méritent. -->
MadMax
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